Il y a quelques semaines, j’ai suivi une formation : Equality, un mooc sur la communication non-genrée. Cette formation s’adressait essentiellement aux personnes travaillant dans la communication. Les médias ayant un rôle important dans la construction des stéréotypes et dans leur transmission, les pros de l’image et des médias ont tout intérêt de s’informer sur les stéréotypes (ici, on ne s’intéressait qu’aux stéréotypes de genre).

La formation était assez complète. Dans ce billet, j’essaye de reprendre des parties qui me paraissent essentielles. Il ne s’agit pas d’un résumé détaillé, mais juste d’une approche.

Qu’est-ce qu’un stéréotype ?

Tout d’abord, un stéréotype, est une idée toute arrêtée sur une personne ou un groupe de personnes selon son sexe, son métier, son origine

Ainsi, un stéréotype de genre classifie les personnes, leurs capacités ou incapacités, leur personnalité, leurs signes distinctifs selon leur sexe.

A première vue, il est normal de catégoriser les personnes, les situations, il s’agit d’un réflexe du cerveau qui permet d’analyser. Mais ce qui n’est pas normal, c’est d’en faire une norme ou un critère de hiérarchisation. Le stéréotype devient alors un préjugé, une discrimination.

Les stéréotypes sont tellement ancrés en nous, qu’ils nous font développer l’effet de menace du stéréotype (Claude Steele) : quand on se retrouve dans des situations particulières, nos performances diminuent, nous avons peur – inconsciemment ou pas – de confirmer ces stéréotypes, nous nous bloquons (exemple, les filles sont nulles en maths : ce stéréotype diminue les performances des filles lors des examens mathématiques).

Le genre et le sexe ?

Le sexe, ce sont les caractéristiques biologiques, le genre, c’est se désigner masculin et/ou féminin. La communication genrée, c’est s’adresser de manière différente aux personnes qui sont désignées comme homme ou femme, garçon ou fille.

Le genre est un outil d’analyse. La théorie du genre n’existe pas. En effet, on étudie le genre pour comprendre comment les inégalités entre les hommes et les femmes se construisent. Il y a une différence physique entre les deux sexes, mais il y a aussi une différence sociale et culturelle. Cette dernière ayant été construite tout au long de l’histoire.

Très brièvement, voici les schémas de la communication genrée :

  • pour les femmes, il existe 5 représentations archétypales : la Pasionaria, l’Égérie, la Muse, la Madone et la Mère.
  • Pour les hommes, les injonctions à la virilité, à l’hyper masculinité (masculinisme) fusent en tous sens !
communication genrée : la mère
Communication genrée hypermasculinisation

Pourquoi aller vers une communication non-genrée ?

Les différents sexismes

Premièrement, une communication genrée, c’est souvent une communication sexiste. Le sexisme ne se décèle pas toujours immédiatement et il existe plusieurs sexismes. Une communication sexiste pour certain, sera jugée “normale” pour d’autres.

D’une part, le sexisme hostile

Il est sans ambiguïté, il s’agit de dévaloriser une personne selon son sexe. Souvenez-vous.

Les deux autres formes de sexisme sont moins flagrantes et sources de controverses.

D’autre part, le sexisme bienveillant

Il est utilisé pour protéger, excuser, aider, complimenter. Paternalisme + complémentarité des sexes + hétérosexualité sont ses 3 ingrédients. Le sexisme bienveillant vu par la dessinatrice Emma.

Et pour finir, le sexisme ordinaire

“Mais c’est pour riiiiire !” ponctue généralement ce sexisme ordinaire que l’on retrouve dans les conversations familiales, dans les blagues des plateaux télé, dans la publicité.

Toutes ses différentes formes de sexismes accumulées permettent tranquillement, mais sûrement de faire une place royale à la culture du viol. Ho ! Tout de suite les grands mots. He bien si. Petit à petit, sournoisement, les violences sexuelles deviennent la normalité, sont banalisées et parfois même encouragées.

 

Dire, c’est déjà faire

Deuxièmement, les mots sont performatifs. C’est-à-dire qu’ils réalisent une action rien que par le fait d’être énoncés. Tous comme le fait de ne pas communiquer sur les femmes les efface petit à petit de la société. J’ai fait le test une fois sur la publication de ma caisse d’allocations pour les indépendants et indépendantes. J’ai compté le nombre de fois où l’on mentionnait en image ou en mots, les hommes et les femmes. Je n’ai plus les chiffres exacts, mais cela devait être un rapport de 95% vs 5%. Et devinez pour qui ? Et petite cerise sur le gâteau, les femmes qui apparaissaient en photo l’étaient pour la plupart dans des encarts publicitaires. Comment s’y retrouver en tant femme entrepreneure ?

 

Le rôle des médias

Troisièmement, les médias ont un rôle d’éducation par l’exemple (et ça me fait un peu mal aux doigts de l’écrire). On reproduit, ce que l’on voit. Si les femmes sont représentées passives, victimes ou dociles dans les journaux, les séries télévisées, les jeux vidéo, les livres, les jouets… Le schéma se perpétue.

Alors attention, il n’est pas interdit d’offrir une petite voiture à un garçon et une poupée à une fille hein! Mais bien de diversifier les modèles, de permettre à l’enfant de se projeter dans différentes situations, en bref, de ne pas l’enfermer dans un rôle.

Communication genrée
communication genrée dans les séries
Communication genrée dans les dessins animés

Un petit peu d’histoire de la langue française à propos des fonctions et des professions

Le masculin l’emporte sur le féminin … vraiment ?

Pas jusqu’en 1635 en fait. Pas avant que les hommes de l’Académie Française ne le décident. Un jour, il fut décrété que les hommes avaient plus de noblesse que les femmes et donc que naturellement, les hommes devaient dominer les femmes. Cette domination a commencé par l’effacement et l’exclusion des femmes de la vie publique et professionnelle.

Les femmes au travail au moyen âge

« Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle. »

Nicolas Beauzée, 1767

Voilà, c’est tout aussi simple que cela. Mais comment cela se passait avant ?

Au Moyen Age

Au Moyen Age par exemple, les métiers et les fonctions étaient couramment utilisés au féminin. Autrice n’est pas un nouveau mot. C’est juste un mot que l’on a fait disparaître. Tout comme le féminin des autres fonctions liées à la création d’œuvres. Autre exemple :  mortellière, chapelière, lainière, serreurière, bouchère…. . Cela commence par la suppression de mot au féminin, et ça se termine par l’interdiction à certaines études et professions pour les femmes.

La révolution française

La révolution française va renvoyer les femmes à la maison, les rendre invisibles. La femme existe par rapport à son mari. L’ambassadrice qui avait une fonction dans une ambassade, n’est plus que l’épouse de l’ambassadeur.

Note : Bonne nouvelle ! Quand j’ai écrit cet article, j’ai cherché la définition d’ambassadrice sur le site de Larousse. C’était “femme d’un représentant d’un Etat” (à peu près). En effectuant la relecture, je viens de voir que la page n’existe plus et que la définition a été changée et actualisée.

On a ensuite utilisé le nom des fonctions toujours au masculin : Madame le Maire, le Ministre, le Gouverneur, le Préfet… Tiens, étrangement, il s’agit de fonctions liées à l’administration, à des pouvoirs de décision.

De nos jours (enfin presque)

C’est en 1986 (1986 !!!) que fut enfin publié en France, sous Laurent Fabius, une circulaire relative à la féminisation des noms de métiers, grades et titres. Mais l’Académie française continue freiner la féminisation de  la langue française.

 

Des représentations non genrées

 

Ok c’est bien joli tout cela, mais je fais comment moi pour dégenrer ma communication ? J’inverse les rôles tout simplement ?? Je mets les hommes en jupe et les femmes sur les chantiers d’autoroute ? Non, il va falloir quand même être plus subtile que cela ! Il  y a des petits trucs pour ne pas succomber aux stéréotypes, mais également aux contre-stéréotypes.

Le tout, s’est d’essayer. Parfois, ça ne marche pas et on tombe dans le panneau. Ce n’est pas grave, rappelez-vous qu’on a été biberonné aux stéréotypes.

Se poser, analyser et étudier sa façon de faire passer les messages est un premier pas. Tout ne pourra pas changer du jour au lendemain et il faut trouver de nouvelles représentations.

Une des affiches de la géniale Elise Gravel

En images

  • Varier les couleurs : non, les femmes ne jurent pas que par le pastel, et les hommes portent aussi du rose.
  • Faire attention aux différentes fonctions représentées. Par exemple les fonctions d’exécution (la femme fait la scripte dans les réunions) et les fonctions de décision (le manager écoute les exposés pour ensuite parler).
  • Attribuer indifféremment les matériaux et tenues de travail : une femme peut manier une ponceuse et un homme sait se servir d’un aspirateur, je vous l’assure.
  • Faire attention où l’on place les personnes : on a tendance à représenter les hommes dehors, les femmes à l’intérieur.
  • Représenter équitablement les postures actives.

Quelques liens qui peuvent vous aider :

Dans les textes

L’écriture inclusive, vous en avez sûrement déjà entendu parler ? Vous savez, l’écriture qui va amener notre civilisation à sa perte, encore plus que le réchauffement climatique ;-).  He bien, je vous expliquerai tout dans un projet article ! Car c’est bien assez pour aujourd’hui. Vous verrez que l’écriture inclusive, le point médian ne sont pas les seules options et qu’il n’y a pas besoin de se faire des nœuds au cerveau pour inclure 52% de la population dans ses communications. D’ailleurs, voyez-vous un point médian dans mon texte ? Non, et pourtant j’ai parlé des hommes ET des femmes !

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